Page:Gautier - Œuvres de Théophile Gautier, tome 1.djvu/434

La bibliothèque libre.
Cette page a été validée par deux contributeurs.

Ô terreur ! que vit le fils d’Edwige et de Lodbrog ? il se vit lui-même devant lui : un miroir eût été moins exact. Il s’était battu avec son propre spectre, avec le chevalier à l’étoile rouge ; le spectre jeta un grand cri et disparut.

La spirale de corbeaux remonta dans le ciel et le brave Oluf continua son chemin ; en revenant le soir à son château, il portait en croupe la jeune châtelaine, qui cette fois avait bien voulu l’écouter. Le chevalier à l’étoile rouge n’étant plus là, elle s’était décidée à laisser tomber de ses lèvres de rose, sur le cœur d’Oluf, cet aveu qui coûte tant à la pudeur. La nuit était claire et bleue, Oluf leva la tête pour chercher sa double étoile et la faire voir à sa fiancée : il n’y avait plus que la verte, la rouge avait disparu.

En entrant, Brenda, tout heureuse de ce prodige qu’elle attribuait à l’amour, fit remarquer au jeune Oluf que le jais de ses yeux s’était changé en azur, signe de réconciliation céleste. — Le vieux Lodbrog en sourit d’aise sous sa moustache blanche au fond de son tombeau ; car, à vrai dire, quoiqu’il n’en eût rien témoigné, les yeux d’Oluf l’avaient quelquefois fait réfléchir. — L’ombre d’Edwige est toute joyeuse, car l’enfant du noble seigneur Lodbrog a enfin vaincu l’influence maligne de l’œil orange, du corbeau noir et de l’étoile rouge : l’homme a terrassé l’incube.