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VIII

TREAD-MILL


Je me levai avec beaucoup de peine et me dirigeai vers la porte du salon, que je n’atteignis qu’au bout d’un temps considérable, une puissance inconnue me forçant de reculer d’un pas sur trois. À mon calcul, je mis dix ans à faire ce trajet.

Daucus-Carota me suivait en ricanant et marmottait d’un air de fausse commisération :

« S’il marche de ce train-là, quand il arrivera il sera vieux. »

J’étais cependant parvenu à gagner la pièce voisine dont les dimensions me parurent changées et méconnaissables. Elle s’allongeait, s’allongeait… indéfiniment. La lumière, qui scintillait à son extrémité, semblait aussi éloignée qu’une étoile fixe.

Le découragement me prit, et j’allais m’arrêter lorsque la petite voix me dit, en m’effleurant presque de ses lèvres :

« Courage ! elle t’attend à onze heures. »