Page:Gautier - Œuvres de Théophile Gautier, tome 1.djvu/501

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Carota en me jetant son nez à la figure et en se montrant à moi sous son véritable aspect… Jamais… il sera toujours neuf heures un quart… L’aiguille restera sur la minute où le temps a cessé d’être, et tu auras pour supplice de venir regarder l’aiguille immobile et de retourner t’asseoir pour recommencer encore, et cela jusqu’à ce que tu marches sur l’os de tes talons. »

Une force supérieure m’entraînait, et j’exécutai quatre ou cinq cents fois le voyage, interrogeant le cadran avec une inquiétude horrible.

Daucus-Carota s’était assis à califourchon sur la pendule et me faisait d’épouvantables grimaces.

L’aiguille ne bougeait pas.

« Misérable ! tu as arrêté le balancier, m’écriai-je ivre de rage.

— Non pas, il va et vient comme à l’ordinaire… mais les soleils tomberont en poussière avant que cette flèche d’acier ait avancé d’un millionième de millimètre.

— Allons, je vois qu’il faut conjurer les mauvais esprits, la chose tourne au spleen, dit le voyant, faisons un peu de musique. La harpe de David sera remplacée cette fois par un piano d’Érard. »

Et, se plaçant sur le tabouret, il joua des mélodies d’un mouvement vif et d’un caractère gai…

Cela paraissait beaucoup contrarier l’homme-