Page:Gautier - Œuvres de Théophile Gautier, tome 1.djvu/68

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d’hommes sur l’autel de leurs dieux. Il rappelait ce prêtre de Vitziliputzili, la farouche idole mexicaine dont parle Henri Heine dans une de ses ballades, mais ses intentions étaient à coup sûr plus pacifiques.

Il s’approcha du comte Olaf Labinski toujours immobile, et prononça l’ineffable syllabe, qu’il alla rapidement répéter sur Octave profondément endormi. La figure ordinairement bizarre de M. Cherbonneau avait pris en ce moment une majesté singulière ; la grandeur du pouvoir dont il disposait ennoblissait ses traits désordonnés, et si quelqu’un l’eût vu accomplissant ces rites mystérieux avec une gravité sacerdotale, il n’eût pas reconnu en lui le docteur hoffmannique qui appelait, en le défiant, le crayon de la caricature.

Il se passa alors des choses bien étranges : Octave de Saville et le comte Olaf Labinski parurent agités simultanément comme d’une convulsion d’agonie, leur visage se décomposa, une légère écume leur monta aux lèvres ; la pâleur de la mort décolora leur peau ; cependant deux petites lueurs bleuâtres et tremblotantes scintillaient incertaines au-dessus de leurs têtes.

À un geste fulgurant du docteur qui semblait leur tracer leur route dans l’air, les deux points phosphoriques se mirent en mouvement, et, laissant derrière eux un sillage de lumière, se rendirent à leur demeure nouvelle : l’âme d’Oc-