Page:Gautier - Œuvres de Théophile Gautier, tome 1.djvu/96

La bibliothèque libre.
Cette page a été validée par deux contributeurs.

cune chance ; les chiffres, rejetés un milliard de fois dans la roue de la fortune, n’en sortiraient pas, ― il n’y a pas de numéro gagnant pour moi !

« Malheureux que je suis ! je sais que le paradis m’est fermé et je reste stupidement assis au seuil, le dos appuyé à la porte, qui ne doit pas s’ouvrir, et je pleure en silence, sans secousses, sans efforts, comme si mes yeux étaient des sources d’eau vive. Je n’ai pas le courage de me lever et de m’enfoncer au désert immense ou dans la Babel tumultueuse des hommes. »

« Quelquefois, quand, la nuit, je ne puis dormir, je pense à Prascovie ; ― si je dors, j’en rêve ; ― oh ! qu’elle était belle ce jour-là, dans le jardin de la villa Salviati, à Florence ! ― Cette robe blanche et ces rubans noirs, ― c’était charmant et funèbre ! Le blanc pour elle, le noir pour moi ! ― Quelquefois les rubans, remués par la brise, formaient une croix sur ce fond d’éclatante blancheur ; un esprit invisible disait tout bas la messe de mort de mon cœur. »

« Si quelque catastrophe inouïe mettait sur mon front la couronne des empereurs et des califes, si la terre saignait pour moi ses veines d’or, si les mines de diamant de Golconde et de Visapour me laissaient fouiller dans leurs gangues étincelantes, si la lyre de Byron résonnait sous mes doigts, si les plus parfaits chefs-d’œuvre de l’art antique et moderne me prêtaient leurs