Page:Gautier - Œuvres de Théophile Gautier, tome 2.djvu/151

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moriés et d’une ciselure admirable, posés sur des réchauds de platine niellé, fumaient des cailles rôties, entourées d’un chapelet d’ortolans, des quenelles de poissons, des purées de gibier, et, pour pièce principale, un faisan de la Chine avec ses plumes. Je ne sais quoi encore, des laitances de surmulet, des rougets, des crevettes et autres éperons à boire.

Le vin d’Aï, que nous avons seul nommé, pourrait sembler trop frivole et d’une pétulance trop évaporée pour un buveur aussi sérieux que Fortunio ; des flacons de verre de Bohême, tout brodés d’arabesques d’or, contenaient dans leur ventre transparent de quoi établir une ivresse sur un pied de solidité convenable. ― C’était du vin de Tokay comme M. de Metternich lui-même n’en a jamais bu, du Johannisberg six fois au-dessus du nectar des dieux pour la saveur et le bouquet, du véritable vin de Schiraz dont, au moment où cette histoire a été écrite, il n’existait que deux bouteilles en Europe, l’une chez George, et l’autre chez de Marcilly, qui les gardaient sous triple clef pour quelque occasion suprême.

« Fortunio, vous ne me tenez pas parole, vous vous jetez, pour me recevoir, dans des magnificences effroyables, dit Musidora d’un ton de reproche amical. Est-ce que vous attendez du monde ? voici une collation qui pourrait servir de repas de noce à Gamache ou à Gargantua.