Page:Gautier - Œuvres de Théophile Gautier, tome 2.djvu/198

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fromage de Hollande, se livrant à tous les raffinements du luxe asiatique, servi à genoux par ses esclaves, adoré comme un dieu, faisant voler la tête de ceux qui lui déplaisaient ou le servaient mal, avec une dextérité parfaite et qui eût fait honneur à un bourreau turc. Les corps étaient jetés dans un puits plein de chaux et dévorés à l’instant même. Mais depuis quelque temps, influencé sans doute par les idées européennes, il se livrait plus rarement à ce genre de plaisir, à moins qu’il ne fût ivre ou qu’il ne voulût distraire un peu Soudja-Sari.

Avant d’entrer dans l’Eldorado il quittait ses habits de fashionable et reprenait ses vêtements indiens, la robe et le turban de mousseline à fleurs d’or, les babouches de maroquin jaune, et le kriss au manche étoilé de diamants.

Aucun des Indiens, hommes ou femmes, qui étaient enfermés dans cette prison splendide, ne savait un mot de français, et ils ignoraient complètement dans quelle partie du monde ils se trouvaient.

Ni Soudja-Sari, sa favorite, ni Rima-Pahes, à qui ses immenses cheveux noirs faisaient comme un manteau de jais, ni Koukong-Alis, aux sourcils en arc-en-ciel, ni Sacara, à la bouche épanouie comme une fleur, ni Cambana, ni Keni-Tambouhan, ne soupçonnaient qu’elles fussent à Paris, par une raison péremptoire, c’est qu’elles ne savaient pas seulement que Paris existât.