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tous sens par l’impétuosité de brosse du fougueux peintre. Cette découverte attrista beaucoup Tiburce, mais, dès qu’il fut redescendu sur le pavé de l’église, son illusion le reprit.

Tiburce passa ainsi plus de quinze jours dans un état de lyrisme transcendantal, tendant des bras éperdus à sa chimère, implorant quelque miracle du ciel. — Dans les moments lucides il se résignait à chercher dans la ville quelque type se rapprochant de son idéal, mais ses recherches n’aboutissaient à rien, car l’on ne trouve pas aisément, le long des rues et des promenades, un pareil diamant de beauté.

Un soir, cependant, il rencontra encore à l’angle de la place de Meïr le charmant regard bleu dont nous avons parlé : cette fois la vision disparut moins vite, et Tiburce eut le temps de voir un délicieux visage encadré d’opulentes touffes de cheveux blonds, un sourire ingénu sur les lèvres les plus fraîches du monde. Elle hâta le pas lorsqu’elle se sentit suivie, mais Tiburce, en se maintenant à distance, put la voir s’arrêter devant une bonne vieille maison flamande, d’apparence pauvre, mais honnête. — Comme on tardait un peu à lui ouvrir, elle se retourna un instant, sans doute par un vague instinct de coquetterie féminine, pour voir si l’inconnu ne s’était pas découragé du trajet assez long qu’elle lui avait fait parcourir. Tiburce, comme illuminé par une lueur subite, s’aperçut