Page:Gautier - Œuvres de Théophile Gautier, tome 2.djvu/264

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son action, fut à son miroir qu’elle consulta longuement ; elle se regarda de face, de trois quarts, sous tous les jours possibles, et trouva, ce qui était vrai, que son teint était plus soyeux qu’une feuille de papier de riz ou de camélia ; qu’elle avait des yeux bleus d’une admirable limpidité, des dents charmantes dans une bouche de pêche, et des cheveux du blond le plus heureux. — Elle s’apercevait pour la première fois de sa jeunesse et de sa beauté ; elle prit la rose blanche qui trempait dans le beau verre de cristal, la plaça dans ses cheveux et sourit de se voir si bien parée avec cette simple fleur : la coquetterie était née ; — l’amour allait bientôt la suivre.

Mais voici bien longtemps que nous avons quitté Tiburce ; qu’a-t-il fait à l’hôtel des Armes du Brabant pendant que nous donnions ces renseignements sur l’ouvrière en dentelle ? il a écrit sur une fort belle feuille de papier quelque chose qui doit être une déclaration d’amour, à moins que ce ne soit un cartel ; car plusieurs feuilles barbouillées et chargées de ratures, qui gisent à terre, montrent que c’est une pièce de rédaction très difficile et très importante. Après l’avoir achevée, il a pris son manteau et s’est dirigé de nouveau vers la rue Kipdorp.

La lampe de Gretchen, étoile de paix et de travail, rayonnait doucement derrière le vitrage, et l’ombre de la jeune fille penchée vers son œuvre de patience se projetait sur le tulle trans-