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CHAPITRE II


Musidora ne se réveilla que sur les trois heures de l’après-midi, heure raisonnable. Elle étendit nonchalamment son joli bras vers le cordon de moire placé au chevet de son lit ; mais sa main blanche retomba.

Le lit de Musidora était extrêmement simple ; il ne ressemblait en rien aux lits des bourgeoises enrichies, qui ont l’air de reposoirs pour la Fête-Dieu ; c’était frais et charmant comme l’intérieur d’une coque de clochette sauvage.

Deux rideaux de cachemire blanc et de mousseline des Indes, superposés, tombaient en bouillons nuageux d’une large rosace argentée, fixée au plafond, autour d’une élégante gondole de bois de citronnier très pâle avec des pieds et des incrustations d’ivoire ; des draps de toile de Hollande d’une finesse idéale, un vrai brouillard tissu, laissaient transparaître légèrement le rose doux de l’étoffe qui enveloppait les matelas gonflés par la plus soyeuse laine du Thibet : cette précieuse toison d’or que Jason allait conquêter sur la nef Argo, paraissait à peine assez précieuse