Page:Gautier - Œuvres de Théophile Gautier, tome 2.djvu/554

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trésors réservés aux amants et aux époux seuls ; pas une parole, pas une œillade n’avaient été échangées entre lui et Nyssia, qui probablement ignorait jusqu’à l’existence de celui pour lequel sa beauté serait bientôt sans mystère. Être inconnu à celle dont la pudeur n’aurait rien à vous sacrifier, quelle étrange position ! aimer en secret une femme et se voir conduit par l’époux jusque sur le seuil de la chambre nuptiale, avoir pour guide vers ce trésor le dragon qui devrait en défendre l’approche, n’y avait-il pas vraiment de quoi s’étonner et admirer les singulières combinaisons du destin ?

Il en était là de ses réflexions, lorsqu’il entendit résonner des pas sur les dalles. ― C’étaient les esclaves qui venaient renouveler l’huile de la lampe, jeter des parfums sur les charbons des kamklins et remuer les toisons de brebis teintes en pourpre et en safran qui composaient la couche royale.

L’heure approchait, et Gygès sentait s’accélérer le battement de son cœur et de ses artères. Il eut même envie de se retirer avant l’arrivée de la reine, sauf à dire à Candaule qu’il était resté, et à se livrer de confiance aux éloges les plus excessifs. Il lui répugnait ― car Gygès, malgré sa conduite un peu légère, ne manquait pas de délicatesse ― de dérober une faveur qu’accordée librement il eût payée de sa vie. La complicité du mari rendait en quelque sorte ce