Page:Gautier - Chanson de Roland onzieme edition 1881.djvu/213

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Pour se défendre ils n’ont plus d’armes.
Ils se souviennent alors de leurs cors et de leurs clairons,
Et chacun d’eux se sent plus fort.
" Maudit, » s’écrient les païens, « maudit soit le jour où
nous vînmes aux défilés ;
« C’est nous qui en porterons tout le dommage. »
Ils laissent le champ de bataille, ils tournent le dos aux Français,
Et ceux-ci de les tailler à grands coups d’épée.
La traînée des morts va jusqu’au roi Marsile.Aoi.

CXLIII

Marsile assiste au martyre de sa gent ;
Il fait sonner ses cors et ses trompettes ;
1630Puis, avec sa grande armée, avec tout son ban, il monte à cheval.
En tête s’avance un Sarrasin nommé Abîme :
Il n’en est pas de plus félon que lui ;
Il est chargé de crimes, chargé de félonies.
Point ne croit en Dieu, le fils de sainte Marie ;
1635Il est noir comme poix fondue ;
Il préfère la trahison et la perfidie
À tout l’or de la Galice ;
Aucun homme ne l’a jamais vu ni plaisanter ni rire ;
D’ailleurs, il est hardi et d’uné bravoure folle :
1640C’est ce qui le fait aimer de Marsile,
Et c’est lui qui porte le Dragon du roi, signe de ralliement pour toute l’armée.
Turpin ne saurait aimer ce païen ;
Dès qu’il le voit, il a soif de le frapper,
Et, fort tranquillement, se dit en lui-même :
1645« Ce Sarrasin me semble bien hérétique ;
« Jamais je n’aimai les couards ni la couardise.
« Plutôt mourir que de ne pas aller le tuer. » Aoi.

plus loin dans notre poème (t. 2532). Il se termine ainsi : « Charles dit : " J’ai ! « rêvé des choses étonnantes. J’ai peur " que Roland ne soit plus en vie. "