Page:Gautier - Chanson de Roland onzieme edition 1881.djvu/256

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Li ber seins Gilies, pur ki Deus fait vertuz,
E flst la cartre el’ mustier de Loüin.
Ki tant ne set ne l’ad prud entendut.Aoi.

CLXXXIV

Li quens Rollanz gentement se cumbat ;
2100 Mais le cors ad tressuet e mult cald ;
En la teste ad e dulur e grant mal ;
Rut ad le temple pur ço que il cornat ;
Mais saveir voelt se Carles i viendrat.
Trait l’olifant, fieblement le sunat.
2105 Li Emperere s’estut, si l’ escultat :
« Seignurs, dist il, mult malement nus vait.
« Rollanz mis niés hoi cest jur nus defalt :
« J’ oi à l’ corner que guaires ne vivrat.
« Ki estre i voelt, isnelement chevalzt.
2110 « Sunez voz graisles tant que en ceste ost ad !
Seisante milie en i cornent si hait,
Sunent li munt e respundent li val.
Paien l’entendent, ne l’tindrent mie en gab.
Dist l’uns à l’altre : « Carlun avrum nus ja. »Aoi.

quatre vers, qu’un certain Gilles pourrait être l’auteur de la Chanson de Roland. Rien n’est moins fondé. Les mots : Ço dist la Geste e cil Iei el’ camp fat, indiquent seulement une source historique, à laquelle serait remonté notre poète. C’est là une habitude de nos épiques, qui renvoient souvent leurs lecteurs à certaines Chroniques officielles, à certaines Gestes de couvent, lesquelles, suivant l’âge du poème, sont présentées comme originaires de Laon ou de Saint-Denis. = Or, saine Gilles a été mêlé d’une façon très intime à la légende de Charlemagne. Historiquement.parlant, il a vécu sons Charles Martel ; mais nos poètes le font vivre sous le fils de Pépin, et c’est lui qui lut, dit-on, sur un parchemin tombé du ciel, le péché dont le grand Empereur n’avait pas voulu se confesser. Ce dernier fait est relaté dans un vitrail de Chartres et dans nos textes liturgiques. (Adam de Saint-Victor, Promat pia vox, etc. Cf. la Légende dorée.) = Ayant été mêlé, dans cet épisode, à l’histoire poétique du grand Empereur, saint Gilles le fut sans doute plus profondément. Le Stricker (remaniement allemand du Ruolandes Liet) nous montre à Roncevaux « l’immaculé saint Gilles, qui depuis longtemps vivait solitaire dans une grotte de France ». Un poème français de la décadence, Hugues Capet (p. 210 de l’édition de M. de la’ Grange), nous parle d’un vieillard qui fu en Raincheval où Rolans fu perdu, et qui fit vœu de se faire ermite s’il échappait au désastre. Mais le document le plus précieux que l’on puisse consulter sur cette tradition est la Keiser Karl