Page:Gautier - Chanson de Roland onzieme edition 1881.djvu/27

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Nos adversaires se contentent ici d’avouer « qu’il est fait mention dans notre vieille épopée de ce très célèbre pèlerinage ». — Non, non, ce n’est pas une simple mention.

Ce n’est pas une simple mention que la première place donnée partout, non pas seulement à ce pèlerinage lui-même, mais entendez-le bien, à la fête du 16 octobre. Ce n’est pas une simple mention que la tenue des cours plénières de Charlemagne en ce même jour du 16 octobre. Ce n’est pas une simple mention que saint Michel du Péril recueillant, lui et non pas un autre, le dernier souffle de Roland agonisant. Et, laissez-nous le répéter, — la répétition est ici nécessaire, — ce n’est pas non plus une petite preuve en faveur de notre thèse que cette place étrange donnée, dans la nomenclature des conquêtes du grand Empereur, à l’Angleterre, à l’Écosse, à l’Irlande, au pays de Galles. On n’en parle nulle part ailleurs.

Avant d’établir l’origine parisienne du Roland, il. faudra commencer par réfuter ces arguments, qui sont de poids. Certes, il se peut qu’un autre Roland, qu’un Roland antérieur au nôtre ait été composé à Paris ou dans l’Ile-de-France. Mais le nôtre, non pas. Et, à moins de raisons décisives, nous ne consentirons jamais à le « dénormandiser ».

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Notre poëme paraît antérieur à la première croisade ; mais nous n’avons, pour le démontrer, que des probabilités dont nous ne saurions être entièrement satisfaits. Nous voudrions cent fois mieux.

« La liste des peuples païens, que fournit quelque part le Roland[1], semble porter les caractères d’une rédaction antérieure aux croisades. La plupart de ces peuples sont de ceux qui, à l’orient de l’Europe, ont été, pendant les IXe, Xe et XIe siècles, en lutte constante avec les chrétiens. Ce sont, en partie, des Tartares et des Slaves. » Cette observation est de M. Gaston Paris. Ajoutons que, dans notre vieille chanson, il est toujours question de Jérusalem comme d’une ville appartenant aux Sarrasins et où ils exercent d’odieuses persécutions

  1. Chanson de Roland, vers 3220 et ss.