Page:Gautier - Chanson de Roland onzieme edition 1881.djvu/293

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Et qui chaque jour change trente fois de clarté.
Vous avez souvent entendu parler de la lance
Dont Notre-Seigneur fut percé sur la croix :
2505Grâce à Dieu, Charles en possède le fer
Et l’a fait enchâsser dans le pommeau doré de son épée.
A cause de cet honneur, à cause de sa bonté,
On lui a donné le nom de Joyeuse ;
Et ce n’est pas aux barons français de l’oublier,
2510Puisqu’ils ont tiré de ce nom leur cri de Monjoie.
Et c’est pourquoi aucune nation ne leur peut tenir tête.Aoi.

CCXIV

La nuit est claire, la lune est brillante ;
Charles est couché, mais il a grande douleur en pensant à Roland,
Et le souvenir d’Olivier lui pèse cruellement,
2515Avec celui des douze Pairs et de tous les Français

se met à la recherche du bassin d’or et de la lance. Mille obstacles l’arrêtent ; mille séductions le tentent : il en triomphe et arrive de nouveau chez le Roi-Pécheur. Il n’oublie pas cette fois de demander « pourquoi la lance saigne ». On lui répond que cette lance est celle dont Longus perça le côté du Sauveur sur la croix, et que le bassin d’or est celui où Joseph d’Arimathie a recueilli le sang divin. Le graal guérit toutes blessures et ressuscite les morts ; mais il faut, pour en approcher, être en état de grâce. Perceval donne la preuve qu’il est le plus pieux chevalier de la terre, et se met tout aussitôt à la poursuite d’un certain Pertinax, qui a jadis volé au Roi-Pécheur une épée merveilleuse. Il atteint ce misérable, et le tue. Le Roi- Pécheur abdique alors en sa faveur, et Perceval règne glorieusement pendant sept ans. Mais, au bout de ce temps, il se fait ermite, et meurt bientôt en odeur de sainteté. Le jour de sa mort ; le bassin et la lance furent transportés au ciel. Ils y sont encore et y demeureront toujours... = Telle est l’analyse, très rapide, de Perceval le Gallois, de cette œuvre de Chrestien de Troyes qui, par malheur, est encore inédite. La lance, comme on le voit, y tient une place considérable ; mais la Chanson de Roland est absolument étrangère à toutes ces fables. On voit par là quel abîme sépare les deux cycles ; et ce n’est pas sans raison que nous avons pu dire ailleurs : « Les chansons de geste et les romans de la table ronde sont à l’usage de deux sociétés différentes, de deux mondes divers.» 2506. En l’orie punt l’ad faite manuvrer. Il ne s’agit ici que de l’amure ou de la pointe de la lance ; mais non pas de la lance elle - même. Or, suivant une tradition ancienne, qui est reproduite par Guillaume de Malmesbury (Pertz, Monumenta Germanioe historica, Scriptores, X, p. 460), Hugues Capet envoya à Ethelstan, roi d’Angleterre, la lance de Oharlemagne. « Elle passait, dit l’écrivain anglais, pour être celle qui fut enfoncée dans le côté du Seigneur par la main du centurion. » Cette citation est de M. Gaston Paris. (Histoire poétique de -Charlemagne, p. 374.) Le cas est obscur.