Page:Gautier - Chanson de Roland onzieme edition 1881.djvu/311

La bibliothèque libre.
Cette page n’a pas encore été corrigée

CCXXVIII

2725« L’empereur Charles, » dit Marsile,
« M’a tué tous mes hommes, a ravagé toute ma terre,
« Violé et mis en pièces toutes mes cités.
Maintenant il campe sur le hord de l’Èbre avec toute sa gent,
« À sept lieues d’ici, je les ai comptées.
2750« Dites à l’Émir qu’il amène son armée
« Et qu’il pourra trouver les chrétiens en ce pays.
« Dites-lui de ma part do se préparer à la bataille :
« Les Français ne la refuseront pas. »
Marsile leur met alors aux mains les clefs de Saragosse.
Les deux messagers le saluent,
Prennent congé, s’en retournent.Aoi.

CCXXIX

Ils sont montés à cheval, les deux messagers,
Et sont rapidement sortis de la cité.
Tout effrayés, ils vont trouver l’Émir
Et lui présentent les clefs de Saragosse.
« Eh bien ! » dit Baligant, « qu’avez-vous trouvé là-bas ?
« Où est Marsile, que j’avais mandé ?
« — Il est blessé à mort, » dit Clarien.
« L’empereur Charles est passé hier aux défilés :
« Car il voulait retourner en douce France.
« Par grand honneur, il se fit suivre d’une arrière-garde
« Où demeura son neveu Roland,
« Avec Olivier, avec les douze Pairs,
« Avec vingt mille chevaliers de France.
« Le roi Marsile, en vrai baron, leur a livré un grand combat.
« Roland et lui se sont rencontrés sur le champ de bataille :
« D’un terrible coup de sa Durendal
« Roland lui a tranché le poing droit ;
« Puis il lui a tué son fils, qu’il aimait si chèrement,
« Avec tous les barons qu’il avait amenés.
« Ne pouvant tenir pied, Marsile s’est enfui,
« Et l’Empereur l’a très vivement poursuivi.