Page:Gautier - Chanson de Roland onzieme edition 1881.djvu/313

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« Secourez le roi de Saragosse, voici ce qu’il vous mande,
« Et il vous abandonne tout le royaume d’Espagne. »
Baligant devient alors tout pensif,
Et peu s’en faut qu’il ne devienne fou, tant sa douleur est grande.Aoi.

CCXXX

« Seigneur Emir, » lui dit Clarien,
« Il y a eu hier une bataille à Roncevaux ;
« Roland y est mort ; mort aussi le comte Olivier ;
« Morts les douze Pairs que Charles aimait tant ;
« Morts vingt mille Français.
« Mais le roi Marsile y a perdu le poing droit,
« Et l’Empereur l’a très vivement poursuivi.
« Dans toute cette terre, enfin, il n’est plus un seul chevalier
« Qui ne soit tué ou noyé dans les eaux dé l’Èbre.
« Les Français campent sur la rive,
« Et les voici là, tout près de nous.
« Mais, si vous le voulez, la retraite sera rude pour eux, »
La fierté entre alors dans le regard de Baligant,
Et dans son cœur la joie.
Il se lève de son fauteuil, il se redresse,
Puis : « Barons, » s’écrie-t-il, « pas de retard.
« Sortez de vos.vaisseaux, montez à cheval, en avant !
« Si le vieux Charlemagne ne nous échappe en fuyant,
« Dès aujourd’hui le roi Marsile sera vengé.
« Pour la main qu’il a perdue, je lui donnerai le chef de l’Empereur. »Aoi.

CCXXXI

Les païens d’Arabie sont sortis de leurs vaisseaux ;
Puis sont montés sur leurs chevaux et leurs mulets,
Et les voilà qui marchent en avant. Ont-ils rien de mieux à faire ?
Quand l’Émir les a tous mis en mouvement,
Il appelle un sien ami Gemalfin :
« Je te confie le commandement de toute mon armée. »
Puis Baligant est monté sur son cheval brun ;