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XI.— LES REMANIEMENTS[1]


Le jour vint où le Roland, tel que nous allons le publier, ne répondit plus aux besoins des intelligences. Le jour vint où le public, s’adressant à certains poètes de bonne volonté, leur montra notre vieille chanson, et leur dit : « Rajeunissez-la. »

Et ce jour fut celui-là même où l’assonance ne suffit plus aux auditeurs de nos Chansons de geste. Disons mieux : ce fut le jour où le Roland eut des lecteurs plutôt que des auditeurs. La rime alors dut s’emparer de toute ou de presque toute la dernière syllabe : la rime qui est une assonance perfectionnée, une assonance pour les yeux.

Voilà le point de départ de tous nos rajeunisseurs ; voilà la raison d’être et l’origine de tous les remaniements du Roland. Tout est sorti de là.

  1. Ces Remaniements, que l’on connaît généralement sous le nom de Roncevaux, composent la seconde famille des manuscrits du Roland. = Il sont tous dérivés d’un prototype qui n’est point parvenu jusqu’à nous et qui se composait sans doute dès éléments suivants : « trois mille sept cents premiers vers, analogues à ceux d’Oxford et encore assonancés ; un dénouement nouveau en vers rimés, et qui se retrouve dans tous les rifacimenti. » = Les remaniements du Roland que nous possédons sont les suivants : a. Manuscrit de Paris, B. N., fr. 860, ancien 7227 5 (seconde moitié du XIIIe siècle). Il y manque environ les 80 premiers couplets.— b. Manuscrit de Versailles XIIIe s. ; — 8,330 vers). Il est aujourd’hui à la Bibliothèque de Châteauroux, et il en existe une copie moderne à la B. N. (fr. 18,108). Après avoir fait partie de la Bibliothèque de Louis XVI, il fut acheté par le comte Germain Garnier. C’est celui dont s’est servi M, Bourdillon pour son édition critique. M. F. Michel a publié, dans la seconde édition de son Roland, la version de Paris complétée par les 80 premiers couplets de celle de Versailles. — c. Manuscrit de Venise (Bibliothèque Saint-Marc, manuscrits français, n° VII. 138 folios, 8,880 vers ; exécuté vers 1250). Le texte, qui n’est pas italianisé, se rapproche beaucoup de celui de Versailles : nous avons eu l’occasion d’y puiser quelques bonnes variantes. — d. Manuscrit de Lyon (n° 964 XIVe s.). Les 84 premières laisses et l’épisode de Baligant y manquent. Dans le dernier couplet, on annonce « la guerre de Grifonel l’enfant ». Ce texte n’a pas été suffisamment utilisé par M. Th. Müller, et nous nous en sommes souvent servi, — e. Fragments d’un manuscrit lorrain, 351 vers du XIIIe siècle, publiés par Génin, Chanson de Roland, p. 491 et suiv. — f. Manuscrit de Cambridge (Trinity College, R. 3-32, xve siècle), sur papier, mauvaise écriture. Les 17 premières strophes font défaut. Le dernier couplet, en vers de douze syllabes, nous montre les barons de Charles retournant dans leurs fiefs. = Ces Remaniements peuvent se diviser en trois familles : a. Paris, Lyon, Lorrain. b. Versailles, Venise VII. c. Cambridge. M. W. Foerster se propose de les publier très prochainement in extenso. = Voyez plus loin (p. 398) le « Tableau de filiation » de ces différents textes.