Page:Gautier - Chanson de Roland onzieme edition 1881.djvu/401

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CCCXIII

« Rétracte-toi, Thierri, » dit alors Pinabel.
« Je consens à devenir ton homme par amour et par foi,
« Et je te donnerai de mes trésors tout à souhait :
« Seulement réconcilie Ganelon avec le Roi.
« — Je n’y veux même point songer, » répond Thierri.
« Honte à moi si j’y consens !
" Que Dieu prononce aujourd’hui entre nous. »Aoi.

CCCXIV

« Pinabel, » dit Thierri, « tu es un vrai baron,
« Tu es grand, tu es fort, tu as le corps bien moulé ;
« Tes pairs te connaissent pour ton courage ;
« Eh bien ! laisse ce combat,
« Je t’accorderai avec Charles :
« Quant à Ganelon, on en fera si bonne justice
« Que jamais plus on n’en entendra parler.
« — Ne plaise au seigneur Dieu ! » répond Pinabel ;
« J’entends bien soutenir toute ma parenté,
« Et devant homme mortel je ne reculerai pas.
« Plutôt mourir que de mériter un tel reproche ! »
Alors ils recommencent à échanger de grands coups d’épée
Sur leurs beaumes gemmés d’or.
Le feu clair en jaillit, et vole jusqu’au ciel.
On ne les pourrait plus séparer :
Ce duel ne finira pas sans mort d’homme.Aoi.

CCCXV

C’est un vaillant homme que Pinabel de Sorence.
Il frappe Thierri sur son écu provençal :
Le feu en jaillit, qui enflamme l’herbe sèche.
Il présente à son adversaire la pointe de son épée d’acier,
Lui tranche le beaume sur le front,
Et lui fait descendre la lame jusqu’au milieu du visage ;
La joue droite-est tout en sang,