Page:Gautier - Fleurs d’orient.djvu/297

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— Oserai-je vous demander, lui dis-je, qui renferme ce tombeau et pourquoi vous prenez tant de peine à l’éventer ? Croyez-vous donc que les morts aient trop chaud sous la terre ?

— Ce n’est pas cela, dit-elle, avec beaucoup de confusion, vous voyez une veuve auprès du tombeau de son époux. La mort me l’a ravi, tout nouvellement. Durant sa vie il me fut bien cher ; il m’aimait avec une si vive tendresse, qu’en expirant il mourait deux fois, à l’idée de me quitter. « Ah ! ma chère femme, me disait-il, si tu songeais à te remarier, je te conjure d’attendre au moins que la terre battue et mouillée, qui formera ma tombe, soit entièrement séchée, avant de prendre un autre époux. » Maintenant, je vois que cette terre amoncelée ne séchera pas aisément, et c’est pourquoi je suis ainsi occupée à l’éventer, afin de dissiper plus vite l’humidité.

À ce naïf aveu, j’eus bien de la peine à ne pas éclater de rire. Je me contins pourtant, et j’offris à cette veuve, si pressée de noces nouvelles, de l’aider dans sa besogne. Elle accepta