Page:Gautier - Guide de l’amateur au Musée du Louvre, 1882.djvu/22

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quelle se suspend un enfant plus âgé. La grappe humaine oscille misérablement au-dessus de l’abîme. Encore un effort, et l’on gagnera le sommet du plateau : ce ne sera pas le salut, car Dieu est implacable, mais ce sera un moment de trêve, un soupir de respiration dans l’horreur. Ô malheur ! la branche ploie, se brise, et tout le groupe si laborieusement échafaudé va crouler dans le gouffre où flotte déjà, sous la transparence verte d’une vague, le corps bleuâtre d’une jeune vierge, la sœur, la fille ainée peut-être de l’homme qui sent manquer à ses doigts désespérément crispés leur frêle et dernier appui.

Nous aimons beaucoup le Sommeil d’Endymion. L’idéal de la beauté, chez les modernes, se porte vers la femme, et il est rare qu’un peintre de nos jours l’ait cherché dans l’expression du type viril le plus parfait. Chez les Grecs, l’idéal n’avait pas de sexe, et l’homme le représentait aussi bien que la femme. Apollon n’est pas moins beau que Vénus ; Pâris peut lutter avec Hélène. Girodet, dans son Endymion, a fait une peinture vraiment grecque. Il a peint le beau dormeur dans sa grotte du mont Latmos, couché sur son manteau et sur une peau de tigre. Son beau corps a toutes les grâces de l’éphèbe et se déploie dans la pénombre avec la blancheur et la perfection du marbre antique le plus pur. On conçoit que la chaste Phœhé se soit éprise de ce charmant jeune homme, et descende du ciel pour le visiter. Déguisé en Zéphir et reconnaissable à ses ailesde papillon, Eros, entr’ouvrant les feuilles, donne passage à l’amoureux rayon de lune, qui s’écrase