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L’ORIENT.

mières loges, nous installa sur des carreaux, et descendit après avoir mis auprès de chacun de nous une pipe et une tasse de café, accompagnement obligé de tout plaisir turc.

La perspective que l’on avait de ces fenêtres-loges était vraiment originale et pittoresque ; la place où devaient parader les bouffons turcs formait une espèce de trapèze bordé de deux côtés par les spectateurs mâles et de l’autre par le sérail, hangar couvert de planches et garni d’une claire-voie à mi-hauteur. Le sérail est l’endroit réservé aux femmes, car en Turquie les deux sexes sont toujours séparés, et un mari regarderait comme souverainement indécent de s’asseoir auprès de ses épouses.

Tout ce monde, les uns avec le fez rouge et la redingote boutonnée du Nizam, les autres avec l’ancien costume national, se tenaient accroupis sur des tapis de Symrne ou de minces matelas étendus à terre, croquant des sucreries, mordant à belles dents la chair rose des pastèques, aspirant la fumée du chibouck, faisant bouillonner l’eau dans la carafe de