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CAUCASE. — CRIMÉE.

la morsure des serpents et l’autre de la fièvre.

M. Gilles a fait son voyage à un bon moment. Les mœurs qu’il décrit vont bientôt disparaître devant la civilisation envahissante. L’antique barbarie, après avoir combattu vaillamment, recule pied à pied, et ce qu’elle a perdu, elle ne le recouvre jamais. Ce n’est pas une guerre d’extermination pourtant que fait la Russie aux sauvages habitants de ces pittoresques contrées ; mais la ligne des colonies militaires avance toujours.

Autour de l’église byzantine, à cinq dômes, de chaque stanitza se groupent des habitations où se trouvent déjà les recherches de la vie européenne. On n’y entend pas que le canon et la fusillade : les pianos y déchiffrent les partitions à la mode, et le soir, près de la table de thé, se réunissent des groupes aussi gracieux que dans aucun salon de Saint-Pétersbourg ou de Paris. Ces stanitzas sont des embryons de villes futures dont il n’est pas difficile de prévoir la grandeur ; le rayon dont elles assurent la tranquillité s’étend de jour en jour et rejoint celui de la stanitza voisine.