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L’ORIENT.

tré à la table d’hôte du signor Battista, alors le seul hôtelier franc de Beyrouth ! Ce digne commis voyageur de la société évangélique de Londres, qui se faisait servir par un parsis à figure bronzée, portant un costume de mousseline blanche et des boucles d’oreilles d’argent, arrivait de la montagne où il avait répandu plus de trois cents Bibles et opéré beaucoup de conversions. Il fit voir à son commensal le registre des abjurations obtenues, confirmées par des signatures et des cachets arabes ; et sur le verso les présents et les sommes données aux néophytes. C’était de la propagande tenue en partie double, comme il sied à tout commerçant qui a de l’ordre. Lui-même touchait une prime pour chaque conversion, et n’était-ce pas juste ? Ne fallait-il pas rémunérer des voyages chers, fatigants, périlleux quelquefois ?

Ces conversions, on le pense bien, n’étaient rien moins que sincères. La doctrine secrète des Druses sectateurs du calife Hakem les autorise à embrasser extérieurement la religion qui convient le plus à leurs intérêts ;