Page:Gautier - L’Orient, tome 2, Charpentier-Fasquelle, 1893.djvu/148

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
138
L’ORIENT.

marine. Rien de plus gai qu’un pareil spectacle. L’activité humaine y paraît en tout son jour, et à une ville qui n’a pas de port de mer il manque toujours quelque chose. C’est un charmant coup d’œil que tous ces vaisseaux, avec les figures sculptées et dorées de leurs proues, les lignes peintes de leur ceinture, leur bordage de cuivre vert-de-grisé par l’eau de mer lorsqu’ils arrivent de l’Inde ou de la Chine, et n’ont pas encore eu le temps de faire leur toilette ; leurs mâts aussi hauts que des flèches de cathédrales ; leurs huniers semblables à des balcons de minarets ; leurs haubans qui rappellent le balancier des acrobates ; le délicat fouillis de leurs agrès, dont la ténuité semble défier le pinceau ; leurs cheminées zébrées de noir, de blanc ou de jaune ; leurs tambours arrondis en disques ; leurs noms inscrits à l’arrière, sur la planche du couronnement, parfois en arabe, en grec ou en russe ; leurs chaloupes élégamment suspendues, et tout cet ensemble de détails, si compliqués et si précis, de choses si fortes et en apparence si légères !