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L’ORIENT.

l’Évangile, ces trappeurs de la civilisation. Quel courage il faut pour affronter ces périls lointains, ces privations incessantes, la faim, la soif, la misère, ces martyres horribles où la stupidité du sauvage devient ingénieuse et raffinée comme la cruauté des proconsuls romains au temps des persécutions ! Se sentir seul au milieu de ces noires fourmilières pour lesquelles l’homme n’est qu’un gibier, n’ayant d’autre arme que la parole de Dieu traduite dans des langues qui ressemblent à des grommèlements de bêtes, à trois ou quatre mille lieues de sa patrie, sans aide, sans secours possibles, quelle atroce situation et quelle force d’âme est nécessaire pour la subir et pour l’aller chercher ! car ces pasteurs auraient pu rester en Europe, dans quelque riant presbytère aux murs de brique, égayé de palissades d’églantiers, et débiter tranquillement leurs sermons du dimanche à un honnête auditoire de mœurs paisibles et douces.

Derrière les vitrines, on distingue toutes sortes d’ustensiles barbares et farouches ; la