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ÉGYPTE.

au-dessus d’une ligne de verdure presque noire sous l’éblouissante lumière, se dessine, lointaine et teintée d’azur, la silhouette triangulaire des pyramides de Chéops et de Chéfren, pareilles, vues de cette distance, à une montagne unique, échancrée par le sommet. La parfaite transparence de l’air les rapprochait, et il eut été difficile, si on ne l’avait su, d’apprécier avec justesse l’intervalle qui nous séparait. Apercevoir les pyramides en approchant du Caire, rien de plus naturel : on devait s’y attendre et l’on s’y attend ; et pourtant l’on éprouve une émotion et une surprise extraordinaires. On ne saurait s’imaginer l’effet produit par cette silhouette vaporeuse, si légère de ton qu’elle se confondait presque avec la couleur du ciel et que, n’étant pas prévenu, on aurait pu ne pas apercevoir. Ces montagnes factices, les monuments les plus énormes que l’homme ait élevés, après Babel peut-être, depuis plus de cinq mille ans, — presque l’âge du monde, selon la Bible, — ni les années, ni les barbaries n’ont eu la puissance de les renverser ;