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L’ORIENT.

gner à une excellente cuisine française légèrement anglaisée, comme cela est naturel dans une maison dont la clientèle ordinaire est presque toute britannique. Aucun mets arabe ne fut apporté par un esclave au teint basané, en turban blanc et en robe rose. Pas même une de ces fameuses tartes au poivre, si appétissantes dans les Mille et une Nuits ; mais nous ne le regrettâmes pas trop, la couleur locale étant en mainte occasion plus agréable aux yeux qu’au palais.

Les voyageurs étaient groupés à table selon leurs affinités électives ou professionnelles : il y avait le coin des peintres, le coin des savants, le coin des gens de lettres et des reporters, le coin des gens du monde et des amateurs ; mais cela sans délimitation rigoureuse. On se faisait des visites d’un clan à un autre, et au café, que les uns prirent à la turque et les autres à l’européenne, la conversation et le cigare confondirent tous les rangs et tous les pays ; on vit des docteurs allemands parler d’esthétique à des artistes français, et de graves mathématiciens écouter