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LE NIL.

de Pompée, élevée sous Dioclétien, et aux aiguilles de Cléopâtre dressées dix-huit siècles avant le règne de cette belle reine, se dirige vers Rosette, pressé de voir le Nil, ce fleuve dont le nom le préoccupait depuis son enfance comme une incantation magique. — Qui de nous n’a pas été obsédé doucement par une fantaisie semblable ? Göthe raconte dans ses Mémoires que des vues de Rome suspendues aux murailles du cabinet de son père lui donnèrent tout jeune un inexprimable désir d’Italie, et c’est peut-être à ces gravures que nous sommes redevables des Élégies romaines. Pour nous, Grenade a été longtemps la ville rêvée ; chacun se sent attiré vers un point du globe par de mystérieuses attractions que la psychologie n’a pas encore cherché à définir, et qui sont peut-être d’obscurs souvenirs de race.

Arrivé de nuit à Rosette, notre voyageur devance l’aurore comme un héros classique, court au fleuve, y plonge ses mains avec une joie enfantine que nous comprenons bien, et boit à longs traits son onde sacrée ! Peu s’en