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SALAMMBÔ.

quelque chose de formidable. Mathô, ne sentant pas sa blessure, envahi qu’il est tout à coup par un de ces amours qui ressemblent à des possessions, escalade les terrasses du palais et heurte en vain la porte de son épaule athlétique. C’en est fait ! il ne distingue plus dans l’univers que Salammbô. Pour la rejoindre, il se précipiterait à travers les flammes. Mais il a été suivi par un esclave échappé de l’ergastule, le Grec Spendius, fin, souple, alerte, corps délié, esprit retors, qui, se sentant dénué de courage physique, cherche une force brute qu’il puisse diriger, et s’est choisi Mathô pour maître afin de dominer à son ombre. Il panse la blessure de Mathô avec l’adresse d’un homme qui a fait tous les métiers ; il le calme, il l’apaise comme un enfant que berce sa nourrice, en lui promettant Salammbô, mais il donne un but politique à cet amour qu’il dédaigne en homme revenu des femmes, et qui sait ce qu’elles valent pour en avoir vendu. Selon lui, on ne peut avoir la fille d’Hamilcar qu’en prenant Carthage, cette caverne de trésors et