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SALAMMBÔ.

rien n’est plus suave que cette Salammbô faite de vapeurs, d’arômes et de rayons. La terreur et la grâce, il a tout, et il sait rendre les putréfactions des champs de bataille comme l’intérieur chatoyant et parfumé des chambres virginales. Quel tableau que celui du défilé de la Hache où sommeillent des lions repus, ennuyés, gras de chair humaine, et abattant d’une griffe nonchalante les derniers survivants des Mercenaires ! Le paysage, âpre, rugueux, farouche, sombre, sous un ciel à zébrures sanglantes, rappelle ces gorges d’Ollioules que Decamps a données pour fond à la bataille des Cimbres. Quant aux lions, ils valent les lions bibliques de Daniel dans la légende des siècles. Aucune imagination orientale n’a dépassé les merveilles entassées dans l’appartement de Salammbô. Le yeux modernes sont peu habitués à de telles splendeurs. Aussi a-t-on accusé M. Gustave Flaubert d’enluminure, de papillotage, de clinquant. Quelques mots de physionomie trop carthaginoise ont arrêté les critiques. Avec le temps, ces couleurs trop