Page:Gautier - L’Usurpateur, tome 2.djvu/11

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ment pudique et affectueux familier aux femmes japonaises, puis elle s’agenouilla un instant devant le seigneur.

Il la traita paternellement, l’installa dans les appartements d’honneur, donna des fêtes pour elle, organisa des chasses. Il lui montra ses domaines, lui fit des cadeaux splendides.

Fatkoura éprouvait une étrange sensation dans ce milieu où tout lui parlait de son fiancé. Elle vit la chambre où il était né, on lui montra les jouets brisés par ses mains d’enfant, ses premiers vêtements, qui gardaient le souvenir d’une forme déjà gracieuse. On lui racontait mille traits charmants de cette enfance adorée, puis les actions héroïques de l’adolescent, du jeune homme, ses succès littéraires, la noblesse de son âme, sa bonté, son dévouement. Le seigneur ne tarissait pas ; l’amour du père torturait et avivait l’amour douloureux de la femme.

Puis une sorte de résignation lui vint. À force de cacher sa douleur, elle l’ensevelit au fond d’elle-même et l’atténua ; elle s’efforça d’oublier qu’elle n’était pas aimée ; elle trouva une consolation dans la force du sentiment qu’elle éprouvait.

— J’aime, se disait-elle ; cela suffit ; je me contenterai de le voir, de l’entendre, de porter son nom ; je serai patiente ; le temps peut-être le guérira, il aura pitié alors de ma