Page:Gautier - L’Usurpateur, tome 2.djvu/175

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

— Qui donc aimes-tu ? dit Fidé-Yori.

— Oh ! maître, dit le prince, en mettant la main sur ses yeux, ne me le demande pas.

— C’est si doux de parler de l’être aimé. Vois, depuis que tu es mon confident, ma peine a diminué de moitié.

— Je suis condamné au silence.

— Même vis-à-vis de moi ? C’est ainsi que tu m’aimes ? Je regrette de t’avoir ouvert mon cœur.

— Dès que je t’aurai avoué quelle est celle que j’aime, tu ne m’en reparleras jamais.

— Est-ce ma mère ?

— Non, dit Nagato en souriant.

— Qui est-ce ? Je t’en conjure, dis-le moi !

— La Kisaki.

— Malheureux ! s’écria Fidé-Yori.

Et, ainsi que l’avait prédit le prince, il n’ajouta pas un mot.

Le lendemain, on commença à démolir les murs de la forteresse. Dix mille hommes s’y acharnèrent : ils résistaient. On ne savait comment s’y prendre ; les pierres s’appuyaient à un talus de terre, elles y étaient comme enchâssées. En haut, sur le terre-plein qui formait une vaste terrasse, des cèdres s’élevaient et répandaient de l’ombre. On s’attaqua d’abord aux tours qui se projetaient de loin en loin en avant des murailles ; on les