Page:Gautier - L’Usurpateur, tome 2.djvu/243

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

rendue infâme. Le mensonge n’a jamais souillé mes lèvres. J’avouai fièrement que je t’avais donné mon âme, mais que, tant que je vivrais, je n’aurais pas à rougir de mes actions. Mais après cet aveu je ne pouvais plus rester au Daïri. La grande prêtresse de Ten-Sio-Daï-Tsin était morte depuis quelque temps. C’était la sœur de mon époux. Je demandai à remplir son sacerdoce, désirant finir ma vie dans la retraite. Le mikado m’envoya aussitôt le titre que je désirais, et quelques jours plus tard il épousa la petite-fille de Hiéyas, une enfant de quinze ans.

— Ô douleur ! s’écria le prince en tombant aux genoux de la reine, à cause de moi tu es descendue de ton trône ; tu as quitté le palais de tes ancêtres pour t’agenouiller, solitaire et grave, à l’ombre d’un temple, toi la déesse souriante que tout un peuple adorait.

— J’aimerai cette solitude, Ivakoura, dit-elle. Ici je suis libre, du moins, je suis délivrée de la tendresse d’un époux que je n’aimais pas, bien qu’il fût dieu. Ma pensée sera à toi tout entière.

— Pourquoi ne veux-tu pas fuir avec moi ? N’avons-nous pas assez souffert ? Tu m’aimes, et je ne respire que parce que tu es sur la terre. À quoi bon nous torturer ainsi ? Viens ! exilons-nous ! La patrie, c’est toi ; le