Page:Gautier - L’Usurpateur, tome 2.djvu/87

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camp. Lorsqu’il en sut assez, l’enfant s’échappa et courut devant.

IL avait un projet, il en avait même deux depuis qu’il connaissait l’aventure de la tête coupée : il voulait dérober cette tête, ensuite se venger de l’incendie des barques. Pour lui, pénétrer dans le camp sans être vu n’était qu’un jeu : il avait la marche silencieuse des chats ; il savait bondir, se glisser, se couler à plat ventre sans faire remuer une herbe ; il n’eût pas éveillé un chien de garde.

Les lumières du camp le guidaient ; il courait droit vers la lisière du bois ; il voulait entrer le premier.

Il arriva presque sur la sentinelle sans la voir ; il se jeta à plat ventre : elle ne le vit pas ; dès qu’elle fut passée, il passa.

— J’y suis, dit-il, en se glissant dans un fourré ; le plus difficile est fait.

Le vent soufflait toujours ; de grands éclairs bleus, par instant, emplissaient la nuit.

— Ah ! dieu des orages ! disait Loo tout en courant à quatre pattes sous les feuilles, tu te conduis mal ; frappe sur tes gongs tant que tu voudras, mais éteins ta lanterne. Quant à toi, Futen, génie du vent, souille ! souffle ! encore plus fort !

Excepté les sentinelles, tout le camp dormait ; dans les intermittences du vent, on