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Page:Gautier - L’art moderne, Lévy, 1856.djvu/29

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Fraternité. Tous ceux qui, aux dépens de leurs repos, se sont occupés de la félicité universelle, n’ont-ils pas, fussent-ils rejetées par l’Eglise, suivi le Christ sur la montagne et ne sont-ils pas vraiment ses fils ?

Voici donc Jésus, entre le monde antique et le monde moderne, au déclin et à l’aurore d’une civilisation. Les Olympiens sont inquiets dans leurs maisons célestes : ils voient pâlir leur divinité et s’éclipser leurs rayons : bientôt les autels et les sacrifices vont leur manquer. On dit même qu’on a entendu une voix qui criait la nuit sur les eaux : Le grand dieu Pan est mort ! La voix s’est trompée assurément, car celui-là ne meurt pas ; mais, ô pauvre Jupiter ! ta chevelure ambroisienne grisonne, le frissonnement de ton noir sourcil n’entraîne plus le ciel et la terre. Tu as vécu ta vie de dieu, deux mille ans à peu près : les prédictions de Prométhée et des sibylles s’accomplissent.

L’artiste a rendu de la manière la plus ingénieuse et la plus sensible les progrès invisibles faits par l’idée nouvelle sapant l’idée antique. Une composition qui occupe deux entre-colonnements, sans tenir compte du pilier de séparation, montre le chemin déjà parcouru depuis la prédication sur la montagne. Coupée en deux dans le sens de la largeur, elle nous présente, à sa portion inférieure, les catacombes ; à sa portion supérieure, le Forum romain ; nous assistons à l’existence cryptique des néophytes et des catéchumènes. Ici se célèbre le sacrifice où la seule victime est l’agneau mystique, où il ne coule d’autre sang que celui d’un Dieu. Là, se célèbre l’agape fraternelle ; plus loin de pieuses femmes enterrent le corps lacéré des martyrs. Un escalier tortueux monte de ces profondeurs obscures dans une pauvre maison qui occupe