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Page:Gautier - L’art moderne, Lévy, 1856.djvu/38

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pour ainsi dire, où l’être adoré semble plutôt la personnification de la vertu divine qu’une femme ayant réellement traversé ce vallon de misère. Pétrarque, se promenant avec Laure, symbolise l’amour pur encore, raffiné par les subtilités platoniques, mais sensible à la beauté et cherchant le bonheur de la possession à travers les réticences et des entraves des sonnets, des sextines et des canzone. Tout auprès, dans l’azur tranquille, un laurier découpe ses feuilles luisantes, occasion pour le poëte de tant de comparaisons et de concetti. Plus loin le Tasse, en costume de seigneur, la chaîne d’or au col et l’épée au côté, courtise la princesse Eléonore avec une galanterie chevaleresque. De l’autre côté, Boccace, assis près de Fiammetta, avec la gaie compagnie du Décaméron, raconte une des ses histoires joyeuses. Dante est l’amour de l’âme, Pétrarque l’amour du cœur, le Tasse l’amour de tête, Boccace l’amour des sens.

Arioste, qui, par son sentiment de la forme et des couleurs, est autant un artiste qu’un poëte, se trouve au compartiment suivant, mêlé aux peintres, aux sculpteurs, aux architectes, aux cardinaux, aux belles dames qui, groupés autour d’une élégante fontaine dans le goût de la Renaissance, devisent d’art, de galanterie, de musique, d’amour, d’architecture, de poésie, de tous ces beaux sujets des nobles conversations, pendant que dans le fond des ouvriers élèvent le Vatican, dont on présente le plan à Jules II, placé au second plan.

Cette grande période intellectuelle, artistique et littéraire clairement indiquée, on passe au fait le plus important de l’ère moderne, nous voulons parler de la découverte de l’Amérique. Un nouveau monde est ajouté à