Page:Gautier - L’art moderne, Lévy, 1856.djvu/65

La bibliothèque libre.
Cette page n’a pas encore été corrigée

et de fontaines d’albâtre, autour duquel s’élèvent des colonnettes de marbres soutenant des arcs évidés en cœur. Les tours vermeilles de l’Alhambra et les murailles crénelées de la mosquée de Cordoue ferment la perspective.

La caravane sarrasine est conduite par Mahomet, monté sur Alborack, la jument merveilleuse qui avait pour pieds des mains de femme. Selon les usages musulmans, qui proscrivent la reproduction de la face humaine, une flamme voile la face du prophète. L’ange Gabriel le précède, Monkir et Nékir marchent à ses côtés, et le pigeon révélateur qui venait lui raconter les choses du ciel volète autour de son oreille.

Abulféda, Saladin, Abdérame, Abumazor, disparaissent devant Charles Martel, le vainqueur des Sarrasins de France, et Pélage, le vainqueur des Sarrasins d’Espagne. – Ces vicissitudes nous ont fait atteindre la grande statue de Charlemagne, qui fait face, comme nous l’avons dit, à celle d’Alexandre. Après Charlemagne, la frise suit les bords d’un fleuve ; les barques où sont assis les chefs occupent le devant ; les soldats y poussent leurs chevaux et les passent à la nage.

La procession chrétienne, reléguée un instant au second plan, revient au premier, conduite par Pierre l’Hermite, qui la pousse aux croisades. On voit là le ban et l’arrière-ban de l’Europe, princes, hauts-barons, chevaliers, hommes d’armes, troubadours, pèlerins connus et inconnus, Richard Cœur-de-Lion, Godefroy, saint Louis, Baudoin, Renaud, Tancrède, tous les personnages de la Jérusalem délivrée. Le peintre n’a pas craint de mêler le Tasse aux troubadours, malgré l’anachronisme, ne voulant pas séparer le poëte de son poëme, l’historien de ses héros.