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Page:Gautier - L’art moderne, Lévy, 1856.djvu/76

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d’arabesques fleuries et de miniatures d’un goût naïf et charmant, conservent à la fois l’idée et la forme, la poésie et l’art.

A quelques pas de là, Pierre l’Hermite prêche la croisade. Godefroy de Bouillon, Richard Cœur-de-Lion l’écoutent et semblent crier : Diex le volt !… De l’autre côté, l’empereur Frédéric Barberousse reçoit de Ferdoussi le Schah-Nameh, c’est-à-dire la poésie, et d’un autre personnage une petite mosquée en relief, c’est-à-dire l’architecture. Près de ce groupe se tient le calife Haroun-al-Raschid, qui personnifie la civilisation orientale : bien que ces figures ne soient pas rigoureusement synchroniques, elles représentent la transmission de l’idée et peuvent se trouver ensemble dans un milieu intellectuel.

Secrète providence du Verbe ! L’Europe, en se ruant sur l’Asie à la conquête du grand sépulcre, en rapporte la civilisation ; au lieu d’un tombeau vide, elle conquiert l’idée vivante : les livres d’Aristote traduits par les Arabes, l’algèbre, l’alchimie, l’astrologie, la cabale, la médecine, toutes les sciences à l’état de superstition et de grimoire, rapportées en germe d’Orient, s’implantent sur notre sol ; la musique, la poésie, l’architecture, l’art tout idéal et si compliqué de l’arabesque, que nul peuple ne posséda comme les Sarrasins, s’acclimatent dans ces tristes régions du nord, en proie à la plus effroyable barbarie. L’ogive mahométane met ses courbes gracieuses au service de la cathédrale chrétienne, le trèfle arabe s’inscrit dans nos fenêtres, et Montereau, l’architecte de saint Louis, met des croissants sur les minarets de la mosquée, sur les aiguilles de la chapelle de Vincennes, voulions-nous dire.

Au milieu, comme point central de la composition et du