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Page:Gautier - L’art moderne, Lévy, 1856.djvu/79

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ceux-ci inclinés vers leur œuvre, ceux-là relevant la tête pour écouter. Schwartz, dans son froc de moine, souffle son fourneau où le salpêtre, en éclatant, va faire découvrir la poudre : Guttemberg [sic], entouré de penseurs qui se penchent vers lui et suivent sérieusement son travail, invente l’imprimerie.

Christophe Colomb et Vasco de Gama reçoivent la boussole, les Médicis causent avec les artistes, Raphaël tient son carton de dessins, Brunelleschi se repose accoudé sur un chapiteau ; Luther, Charles-Quint, Bossuet et Loyola, Louis XIV, Cromwell, Pierre le Grand, agitent ensemble quelque grande question politique ; Voltaire rit et J.-J. Rousseau pleure ; Mozart, Michel-Ange, Dante, Shakespeare rayonnent au milieu de cette foule illustre, et se mêlent familièrement aux Descartes, aux Liebnitz, aux Newton, aux Spinosa, car l’art aime la pensée et gagne au commerce de la philosophie. Tout à fait sur le premier plan, Lavoisier, Washington, Cuvier, Wats [sic] symbolisent l’époque où nous vivons ; Wats et Washington, si modernes qu’ils appartiennent autant à l’avenir qu’au présent, n’ont qu’un pied posé sur le plateau actuel, l’autre pied est appuyé dans l’ombre sur un degré inférieur. Ils montrent ainsi que les conséquences de leurs idées n’ont pas encore acquis tous leurs développements. En effet, la démocratie américaine et la vapeur doivent changer la face du monde, et leur règne ne fait que commencer. Napoléon, que l’on aperçoit debout, la face tournée vers le spectateur, vêtu du manteau impérial, couronné de laurier comme un César romain, est le dernier homme de l’ère antique, comme Washington est le premier homme de l’ère moderne ; l’un enterre le vieux monde, l’autre inaugure le nouveau ;