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Page:Gautier - L’art moderne, Lévy, 1856.djvu/89

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cruel que le coupable, et les atrocités du châtiment fait presque douter de sa légitimité. C’est le vieil enfer aussi monstrueux que la vieille justice, avec ses roues, ses chevalets, ses tenailles et ses brodequins. Mais les progrès continue dans l’extra-monde comme dans celui-ci, l’enfer se civilise et devient le purgatoire, enfer temporaire où l’on n’anéantit pas le coupable, où seulement on le purifie par des peines morales, pour le rendre digne de la société des bienheureux. La mélancolie anxieuse, le désir souffrant, l’attente morne du purgatoire, ont été aussi bien rendus par le peintre que les convulsions, les tortures et les épouvantements de l’enfer.

A la pointe de la croix se trouve le disque qui renferme l’Elysée, idéal de la rémunération antique.

A la gauche du spectateur s’élève un petit monument de forme circulaire ; ses colonnes sont festonnées de guirlandes et de fleurs par de petits amours qui les soutiennent et s’y suspendent ; quelques-uns d’eux jouent de la lyre.

A travers les entre-colonnements, on aperçoit, dans la lumière et dans la splendeur, un joyeux banquet philosophique. De gais convives, composés de tout ce que l’antiquité a de plus illustre et présidé par Epicure, reçoivent et fêtent de leur mieux les nouveau-venus qui sont Rabelais, Montaigne et La Fontaine. Epicure donne l’accolade à Rabelais. Anacréon et Horace, un peu ivres de cette aimable ivresse qui surexcite la raison et développe les facultés poétiques, font un accueil fraternel au bonhomme La Fontaine ; Montaigne retrouve son cher La Boëtie ; Plutarque, Platon, Aristote, amicalement groupés, sourient à ces nobles intelligences qu’ils attendent depuis longtemps.