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Page:Gautier - L’art moderne, Lévy, 1856.djvu/98

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dix mille dieux qui ont régné ou règnent encore sur la terre ne sont que les épithètes de la litanie de l’Absolu. Jéhovah, Brahma, Jupiter, Allah, qu’importe le nom, c’est toujours l’infini, l’éternel, l’incompréhensible, le jour sans ombre, la sagesse sans erreur, le torrent de vie, le fluide imparticulaire qui traverse les univers compactes, qui se meut dans nous et dans lequel nous nous mouvons, le suprême amour, la suprême intelligence et la suprême justice. L’artiste philosophe ne s’est donc pas prononcé pour aucun système religieux, il les a tous admis comme l’expression du même désir, assignant à chacun une place plus ou moins large, selon qu’ils ont plus ou moins contribué au bonheur et aux progrès de l’humanité. Comme le Panthéon de Rome, le Panthéon de Chenavard reçoit tous les dieux ; ils sont là chacun avec ses attributs, guidant le peuple et la civilisation qui les adorait, tous pieusement rendus, et revêtus de leurs plus belles formes par le pinceau consciencieux de l’artiste.

Les hommes de toutes les nations et de tous les temps peuvent entrer dans ce temple et y trouver les objets de leur vénération. Le Chaldéen y verra ses étoiles, l’Egyptien son Osiris, son Isis et son Typhon ; l’Indien, Brahma et tous ces avatars ; l’Hébreu, Jéhovah ; le Perse, Ormudz et Ahrimane ; le Grec et le Romain, leur Olympe au grand complet ; le Chrétien, son Christ glorifié dix-huit fois ; le barbare du Nord, ses dieux frissonnants sous la neige des pôles ; le Musulman, ennemi des images, son prophète, la face voilée par une flamme ; le Druse, son calife Hakem avec ses prunelles d’azur et son masque de lion. Chacun pourra faire sa prière dans cette église universelle, vraie