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LA CHANSON DE ROLAND

Il reçut cet écu des mains de l’émir Galafre,
Et c’est un diable qui le lui donna au Val-Métas.
Turpin le heurte, point ne l’épargne.
Après un tel coup, l’écu d’Abîme ne vaut plus un denier.
Il lui tranche le corps de part en part,
Et l’abat sur place, roide mort.
Et les Français : « Voilà du courage, disent-ils.
« Par l’Archevêque la croix est bien gardée. »


CXXVIII


Cependant le comte Roland appelle Olivier :
« Sire compagnon, ne serez-vous pas de mon avis ?
« L’Archevêque est un excellent chevalier,
« Et sous le ciel il n’en est pas de meilleur :
« Comme il sait frapper de la lance et de l’épieu !
« — Eh bien ! répond Olivier, courons l’aider. »
À ce mot, les Français recommencent la bataille.
Durs y sont les coups, et rude y est la mêlée ;
Les Chrétiens y souffrent grand’douleur.
Ah ! quel spectacle de voir Roland et Olivier
Y combattre, y frapper du fer de leurs épées !
L’Archevêque, lui, y frappe de sa lance.
On peut savoir le nombre de ceux qu’ils tuèrent :
Il est écrit dans les chartes, dans les brefs,
Et la Geste dit qu’il y en eut quatre mille...
Aux quatre premiers chocs tout va bien pour les Français,
Mais le cinquième leur fut fatal et terrible ;
Tous les chevaliers de France y sont tués.
Dieu n’en a épargné que soixante ;
Mais ceux-là, avant de mourir, ils se vendront cher !