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INTRODUCTION

rien, et, deux ans après, sut se venger en triomphant des Saxons, dont il massacra un grand nombre. Quoi qu’il en soit, cette victoire excita l’enthousiasme des Franks, et c’est alors, suivant Helgaire, évêque de Meaux au IXe siècle et biographe de saint Faron, qu’un Chant public en langue vulgaire circula parmi les Franks. Et Helgaire nous a bien voulu conserver huit « vers » de ce petit poëme[1], destiné à célébrer la bonté de saint Faron autant que la victoire du Roi.

Suivant la théorie de M. Paul Meyer, ce chant de saint Faron aurait donc été une vraie Chanson de geste : et voilà ce que nous nions énergiquement. Le biographe, en effet, nous apprend que ce chant « était sur toutes les lèvres et que les femmes le chantaient en chœur en battant des mains » : Per omnium pene volitabat ora, ita canentium feminæque choros inde plaudendo componebant. Or, rien de tout cela ne convient à une Chanson

  1. Voici ces huit vers et tout le passage d’Helgaire : « Ex qua victoria carmen publicum juxta rusticitatem per omnium pene volitabat ora ita canentium feminæque choros inde plaudendo componebant :

    De Chlotario est canere rege Francorum
    Qui ivit pugnare in gentem Saxonum.
    Quam graviter provenisset missis Saxonum
    Si non fuisset inclytus Faro de gente Burgundionum.

    Et, in fine hujus carminis :

    Quando veniunt missi Saxonum in terram Francorum
    Faro ubi erat princeps,
    Instinctu Dei transcunt per urbem Meldorum
    Ne interficiantur a rege Francorum.

    Hoc enim rustico carmine placuit ostendere quantum ab omnibus celeberrimus habebatur. » (Vita sancti Faronis, Meldensis episcopi ; Acta sanctorum ordinis sancti Benedicti, sæcul. II, p. 617. — Historiens de France, III, 505.) On remarquera déjà, dans cette Cantilène, certains procédés littéraires qu’on retrouvera plus tard dans nos Chansons de geste, à tel point qu’il ne serait pas impossible de traduire fort exactement ce texte latin en vers épiques des XIIe-XIIIe siècles :

    Œz, seignurs, bone chançun vaillant.
    C’est de Loier, le riche rei des Franks
    Ki cuntre Saisnes se combatit forment.
    E lur message oüssent grant ahan
    Se li Burguinz Fares ne fust presenz…