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LA CHANSON DE ROLAND

« Car il voulait retourner en douce France.
« Par grand honneur, il se fit suivre d’une arrière-garde
« Où demeura son neveu Roland,
« Avec Olivier, avec les douze Pairs,
« Avec vingt mille chevaliers de France.
« Le roi Marsile, en vrai baron, leur a livré une grande bataille.
« Roland et lui y ont bravement lutté ensemble ;
« Mais d’un terrible coup de sa Durendal
« Roland lui a tranché le poing droit,
« Puis lui a tué son fils, qu’il aimait si chèrement,
« Avec tous les barons qu’il avait amenés.
« Marsile s’est enfui, ne pouvant tenir pied,
« Et l’Empereur l’a vigoureusement poursuivi.
« Secourez le roi de Saragosse, voila ce qu’il vous mande,
« Et il vous abandonne tout le royaume d’Espagne. »
Baligant alors devient pensif,
Et peu s’en faut qu’il ne devienne fou, tant sa douleur est grande.


CCI


« Seigneur Émir, lui dit Clarien,
« Il y a eu hier une bataille à Roncevaux ;
« Roland y est mort, mort aussi le comte Olivier ;
« Morts les douze Pairs que Charles aimait tant ;
« Morts vingt mille Français.
« Mais le roi Marsile y a perdu le poing droit,
« Et l’Empereur l’a vigoureusement poursuivi.
« Dans toute cette terre, enfin, il n’est plus un seul chevalier
« Qui ne soit mort ou dans les eaux de l’Èbre.
« Les Français campent sur la rive,
« Et les voici tout près de nous en ce pays.
« Mais, si vous le voulez, la retraite sera rude pour eux. »
La fierté entre alors dans le regard de Baligant,