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LA CHANSON DE ROLAND


CCLXX


Les païens sont morts ou sont en fuite ;
Charles a vaincu sa bataille.
De Saragosse la porte est abattue,
Et l’Empereur sait bien qu’on ne défendra plus la ville.
Il y entre avec son armée, il la prend,
Et les vainqueurs y couchent cette nuit.
Il est fier, notre roi à la barbe chenue,
Et Bramimonde lui a remis les tours de la ville,
Dix grandes et cinquante petites...
Il travaille bien celui qui travaille avec l’aide de Dieu.


CCLXXI


Le jour est passé, les ombres de la nuit tombent,
La lune est claire, les étoiles flamboient,
L’Empereur est maître de Saragosse.
Mille Français, sur son ordre, parcourent la ville en tous sens,
Entrent dans les mosquées et les synagogues,
Et, à coups de maillets de fer et de cognées,
Mettent en pièces toutes les images, toutes les idoles.
De sorcellerie, de mensonge il n’en reste plus de trace.
Le Roi croit en Dieu et veut faire le service de Dieu.
Alors les évêques bénissent l’eau
Et mènent les païens au baptistère.
S’il en est un qui se refuse à faire la volonté de Charles,
Il le fait pendre, occire ou brûler.
Ainsi l’on en baptise plus de cent mille,
Qui deviennent bons chrétiens. La Reine seule est mise à part.
On la mènera captive en douce France,
Et c’est par amour que l’Empereur veut la convertir.