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INTRODUCTION

suture de deux ou plusieurs laisses d’abord distinctes. » C’est ce qu’il serait facile de prouver, en prenant dans une main le manuscrit de la Bodléienne et dans l’autre le remaniement de Versailles ou de Lyon, et en comparant les deux textes couplet par couplet, vers par vers.

Quel est l’élément constitutif de la laisse ? En d’autres termes, quel est le lien de tous les vers dans un même couplet ? C’est l’Assonance. À défaut d’un mot barbare tel que « mono-assonancés », on a employé un mot scientifiquement inexact, lorsqu’on a dit que c’étaient là des couplets « monorimes. » Ne confondons pas la

    tique. On peut suivre, depuis le ive jusqu’aux xie et xiie siècles, les déformations de chacun de ces vers qui se sont transformés en autant de vers syllabiques. Nous sommes en mesure de citer des centaines, et presque des milliers d’exemples, pour prouver mathématiquement ces déviations successives du Septenarius trochaïque, de l’Iambique dimètre, de l’Asclépiade. — 3o Si ces exemples sont ainsi fournis, s’ils ne sont point récusés, il sera prouvé par là même que l’accent tonique n’a pas eu le premier rôle. Telle est la thèse que nous développerons ailleurs. — 4o Il ne faut pas oublier, d’ailleurs, que cette théorie ne s’applique pas à la poésie lue ni même psalmodiée, mais seulement à la poésie chantée, et, pour circonscrire encore notre terrain, à la poésie des hymnes, des proses et des tropes, à ces pièces liturgiques dont la popularité fut incomparable. — 5o Étant donnée la musique essentiellement populaire de ces morceaux poétiques, et l’isochronie de la plupart de leurs syllabes, l’accent n’a plus, dans les paroles, qu’une valeur insignifiante. — 6o Pour en venir à notre versification française, nous pensons que nos vers frannçais sont nés d’une imitation inconsciente de ces vers latins liturgiques qui étaient sur les lèvres et dans les oreilles de tout le peuple chrétien. Ce fut une imitation par analogie, et non par similitude. Elle n’a rien de scientifique, et est d’une grossièreté toute spontanée. — 7o Dans la poésie française, le rôle de l’accent tonique est, par la force des choses, beaucoup plus considérable que dans la versification latine. Néanmoins, il ne suffit pas à tout expliquer. Il faut encore tenir compte de l’assonance ; puis, de la rime ; et encore, de ces pauses intérieures ou finales qui se rencontrent aux mêmes endroits dans les vers correspondants de la rythmique latine, etc. — 8o Nous croyons, encore aujourd’hui, que le vers décasyllabique de la Chanson de Roland dérive du « dactylique trimètre hypercatalectique : « Quam cuperem tamen ante necem, — Si potis est, revocare tuam, » qui a été, en effet, employé par nos poëtes liturgiques, et qui, se déformant de plus en plus, a produit un vers latin rhythmé de dix syllabes : Flete, viri, lugete, proceres ; — Resolutus est rex in cineres, etc. (Épopées françaises, I, 196.) Notre opinion, vivement combattue par MM. Paul Meyer et Gaston Paris, a été partagée par M. Barstch.