Page:Gautier - La Conquête du paradis.djvu/114

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Bussy, bousculant tous ceux qui lui barraient la route, se précipita dans le grand salon.

Dupleix s’avançait avec empressement vers un tout jeune homme, mince et gracieux de forme, qui, lorsqu’il l’eut rejoint, serra le gouverneur dans ses bras et lui prit le menton, ce qui est la plus cordiale et la plus honorable des salutations indiennes. Le prince s’avança ensuite vers Mme Dupleix et lui baisa la main à la française.

Bussy ne le voyait que de dos, et ne pouvait s’approcher, malgré ses efforts.

— Il n’est ni boiteux, ni bossu, se disait-il, espérons qu’il sera borgne.

On apporta un fauteuil pour le prince, sous le dais fleurdelisé, et il s’assit à côté de Dupleix.

Le jeune prince lui faisant face à présent, Bussy pouvait le voir à son aise.

Impossible, même à un rival, de ne pas le reconnaître : il était d’une beauté irréprochable.

La grande jeunesse du prince donnait un velouté charmant à son teint, couleur de bronze clair ; ses longs yeux noirs, sous des sourcils magnifiques, coulaient, entre les cils, un regard doux et comme assoupi ; l’ovale du visage, d’une pureté extrême, la bouche, d’un rouge vif, s’entr’ouvrant sur un sourire emperlé, avaient une grâce féminine, et vraiment, dans son riche costume oriental, tout brodé d’or, avec ses colliers, ses bracelets, ses pendants d’oreilles, ses agrafes de pierreries, il avait l’air d’une ravissante femme.

— Allons ! c’est parfait ! se disait Bussy, les sourcils