Page:Gautier - La Conquête du paradis.djvu/13

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sement les passagers se trouvèrent un peu mouillés, mais sains et saufs sur le rivage.

Kerjean se secoua en riant, et Bussy, qui respirait à pleins poumons la bonne odeur de la terre, sembla pris d’une frénésie de joie :

— Enfin je te touche donc, mystérieuse contrée ! s’écria-t-il. C’est bien ton sol que mon pied foule ! Le rêve se réalise, enfin !

Et il ajouta en levant les yeux vers les étoiles :

— Djennat-Nichan !

— Quel hébreu nous parlez-vous là ? demanda Kerjean.

— N’est-ce pas là un des noms de l’Inde ? dit Bussy ; il signifie : Image du Paradis. N’est-ce pas bien un nom qui lui convient ?

— Paradis ! quelquefois ; enfer, très souvent, répondit Kerjean ; mais ce n’est pas le moment de discuter cette question. Nos hommes ont accompli sans encombre la cabriole du débarquement, c’est l’instant de les rallier et d’exécuter les ordres reçus.

Bientôt on se mit en marche, guidé par un cipaye qui connaissait la pagode en ruine.

— Serrez les rangs ! cria Kerjean, et que l’avant-garde avance avec précaution en battant les buissons.

— Que redoutez-vous ? demanda Bussy, la côte semble absolument déserte.

— L’Inde est autant aux bêtes qu’aux hommes ; en cela, elle ressemble à ce paradis pour lequel vous la prenez ; mais elle en diffère en ceci, puisque les bêtes étaient douces là-bas, à ce qu’on raconte : c’est