Page:Gautier - La Conquête du paradis.djvu/135

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— Le cuisinier sauvé par la marmite, voilà qui est curieux, dit Dupleix ; cependant, ce n’est pas la première fois : j’ai entendu quelque chose comme cela à propos d’un matelot de la Vénus. Faites-moi venir ces trente gaillards, ils seront fort bien reçus.

— Ils sont là, sur la place devant le palais.

— Voilà qui est parfait. Merci, monsieur, je vois que vous savez agir bien et vite.

Dupleix sonna et donna l’ordre qu’on fît conduire ces hommes au magasin d’habillement.

À ce moment deux pages, en livrée pourpre et or, ouvrirent une porte, et, en silence, se tinrent debout de chaque côté.

— Messieurs, dit le gouverneur, ma femme nous attend.

Et il entra le premier, Bussy et les autres le suivirent.

Le lieu où ils pénétrèrent était d’un aspect inattendu, après le salon tout français que l’on quittait. C’était une salle orientale, ayant à son centre une vasque de marbre, dans laquelle s’égrenait un jet d’eau ; des faïences persanes, d’une rare beauté, couvraient les murs et le sol, cachées par places sous les tapis et les coussins ; le plafond se creusait en voûte d’azur, constellée d’or, et, tout à l’entour, des vitraux emprisonnés entre deux châssis de bois découpés, veloutaient l’éclat du jour.

La begum était à demi couchée sur un divan, dans un renfoncement, tout resplendissant d’une mosaïque d’or et drapé de riches étoffes ; elle fumait le houka comme les femmes du harem, vêtue comme elles ;